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Rainer Pfnür (1939-2005) est un peintre et graveur allemand influencé par le mouvement de l’expressionnisme abstrait venu des États-Unis représenté par des peintres comme Franz Kline et par l’art informel italien et tout particulièrement Emilio Vedova.

Premières années

Le hasard a voulu que Rainer Pfnür naisse et grandisse à Berchtesgaden, une petite ville des Alpes bavaroises, au sud de l’Allemagne, devenue le repère du National-Socialisme.  Le lieu et le moment vont impacter sa trajectoire en rupture avec le monde oublieux du miracle économique allemand. Comme beaucoup de jeunes de sa génération, traumatisés par l’ampleur du désastre, Rainer va gérer à sa manière ce que cet événement a de fortuit.

Il part étudier à Münich, dans un collège de design et de décoration, attiré par le bouillonnement culturel de la capitale de la Bavière. Il voyage (Grèce, Égypte, Liban, Israël) et participe, en 1967, en tant qu’étudiant à la prestigieuse Summer Academy de Salzburg, fondée en 1953 par Oscar Kokoschka comme « école du regard ». Son professeur est alors Vedova ; un an plus tard, Rainer deviendra son assistant à Venise.

Dès la fin des années soixante, il travaille avec des signes, ils deviendront l’élément de base de sa peinture. De larges gestes noirs occupent alors une toile généralement de grand format. Les titres donnés aux œuvres sont ouvertement politiques : Mai, Protest, Amerikka… « L’homme est dominé par des signes, par des images publicitaires : l’étoile de Mercedes, Coca-Cola et Bildzeitung… Rainer Pfnür ne rend pas seulement visible la dictature omniprésente des signes, qui se déguisent en services… Il y met sa marque, une intervention gestuelle sur un univers de catalogue. » Harald Raab, La dictature des signes, Die Woche, 15 janvier 1976.

Simultanément aux peintures, Rainer Pfnür poursuit son travail graphique avec des séries d’eaux-fortes en lien avec des événements récents : l’immolation par le feu au centre de la ville de Prague d’un jeune homme de 20 ans, Jan Palach, pour protester contre l’écrasement du printemps de Prague par les soviétiques, les jeux olympiques de Munich, l’été 1972. La série Viva Olympia sera intégrée à une exposition collective au Kunstverein de Munich.

À l’invitation du sculpteur sarde Pinuccio Sciola, Rainer Pfnür participe au « Paese Museo » dans les rues du petit village de San Sperate en Sardaigne. Il conçoit son installation dans l’endroit le moins spectaculaire du village : une sculpture en bois carbonisé, une fiat 600 hors d’usage accrochée à un mur, deux pierres à moulin ainsi que des formes géométriques de couleur apposée sur le pignon des maisons, comme autant de contrepoints déconcertants.

Années 70

Après la découverte d’Ibiza en 1971 à travers l’architecte Erwin Broner rencontré à Venise, Rainer Pfnür y séjourne régulièrement pour de longues périodes de travail et tout particulièrement à Santa-Gertrudis de Fruitera dont le paysage, au cœur de l’île, est pour lui comme un grand atelier à ciel ouvert. À partir de 1974, l’énergie d’une grande ville lui manque, et il se pose à Paris pour repartir régulièrement à Munich et à Ibiza.

L’intervention gestuelle, exercice quotidien d’un corps à corps avec la toile, s’applique désormais à un collage, agrandi et reproduit en noir et blanc sur une toile émulsionnée. Il est composé d’images découpées et détournées en provenance de magazines, comme les trois visages de femmes peinturlurés côtoyant celui en noir et blanc de Holger Meinz, mort des suites d’une grève de la faim en 1974 durant le procès de la première génération de militant.e.s de la Rote Armee Fraktion (RAF). En parallèle, une série d’eaux-fortes Time is Money et de lithographies Images quotidiennes dont les propositions formelles restent proches des toiles.

Suit une série de toiles et d’eaux fortes où sa photo d’identité, prise au photomaton, est agrandie à la dimension du support. La série d’eaux-fortes, intitulée Je est un autre en référence à Arthur Rimbaud, est associée dans un portfolio à un fragment de L’Innommable de Samuel Beckett. Elle est exposée à la galerie Kerlikovski à Munich en 1977.  On devine que la série de toiles Sequenzen sur un fond de planche-contacts, photographies non encore sélectionnées, appartient au quotidien de l’artiste.

Pour clore la décennie, une série adressée aux poètes espagnols de l’exil, la génération de 1927. Le geste sur la toile se fait plus intime en se diversifiant en signes scripturaux, disposés en colonnes. Ces Love-Letters seront présentées à la galerie Tanit en octobre 1979.

En parallèle, un environnement visuel aléatoire composé de 640 diapositives retravaillées lié à un système électronique, initié par des bruits, des cris ou de la musique, est projeté au Kunsverein de Munich (1979), à la foire de Bâle (1980),  au musée d’Art Contemporain d’Ibiza (1983).

Années 80

Désormais les signes se superposent et se répondent, produisant une trame à la fois dense et aérienne, toute en rythme et variation. C-Installation est inaugurée en 1982 au Kunsforum du Lenbachhaus de Munich. « Le lieu est appréhendé par Rainer Pfnür comme un tableau », dira Helmut Friedel, alors directeur du musée. Il écrit : « De loin, ces signes évoquent des caractères typographiques qui composeraient comme un texte dont toute sémantique serait absente, texte devant, dit-il, être pris ici dans son acception latine de « tissage. Vus de près, les signes formés eux-mêmes d’éléments superposés de sept couleurs différentes : noir, rouge, bleu, rose, orange et deux tons de vert- s’entremêlent jusqu’à se dissoudre dans la structure générale de la toile. Pfnür trace ces signes d’un seul élan qui ne cesse que lorsqu’il atteint la limite de ses capacités physiques… D’une certaine façon, il se rapproche du concept d’un Roman Opalka, avec ses interminables rangées de chiffres. La peinture, en tant qu’activité gestuelle, devient la preuve de sa propre existence ».

Les années suivantes, les signes de couleurs s’individualisent et s’élargissent. La spontanéité et la rapidité dans l’exécution du geste, dont la visibilité du pinceau ou de la brosse garde trace, marquent la présence du corps de l’artiste en mouvement. « Si la peinture de Rainer Pfnür ressemble à quelque chose, c’est probablement à des états de vie », dira Yves Deniau, le directeur du musée des Beaux-Arts de Rodez à l’occasion de l’exposition à la salle Foch en 1988.

« Ce travail avec les signes, dans leurs superpositions et le choix des couleurs, me donne, dira le peintre, des surfaces énergétiques -comme le Jazz qui procure une écoute du même ordre. Ce travail est encore comparable, dit-il, à celui d’un physicien ». Développer sa formule va se confondre avec son aventure d’être en vie. 

Le philosophe espagnol Eugenio Trías soulignera à propos de l’œuvre de Rainer Pfnür et à l’occasion d’une exposition à la galerie Carla Fuehr en 1986 que « Le signe, à partir de sa stricte limitation picturale révèle une vocation matérielle que suggère l’espace de la sculpture et une vocation poétique et musicale, manifeste dans les rythmes, les répétitions et les différences que tissent les signes entre eux ».

Les années 80 verront plusieurs expositions à la galerie Carla Fuehr à Munich, à la galerie Lang à Vienne, à la galerie Nane Stern et au Centre Culturel Allemand à Paris ainsi qu’une première exposition à la galerie Carl Van der Voort à Ibiza.

Parallèlement, sur des cahiers d’écoliers, comme un moine, Rainer Pfnür pratique des exercices d’écriture gestuelle. Il y aborde à sa façon la réalité qui l’entoure dans des formes qui lui appartiennent -actualités, ébauches de travail, dessins, considérations personnelles : « ce qui signifie lucidité et sensibilité, ironie et douleur, jeu et réflexion » dira l’écrivain Vicente Valero à propos d’extraits des carnets exposés, après la mort du peintre, à la Fondation Sa Nostra à Ibiza.

Années 90 et Pictogramme

À Munich en 1991, Rainer Pfnür s’approprie la singularité de l’immense entrée du Bureau Central des Douanes. Le regard appréhende à la fois une plaque de marbre qui porte l’inscription Verticale, le titre de l’installation, une sculpture composée de 72 poutres de bois carbonisés et un ensemble de cinq toiles.

À Rouen en 1993, autour du concept de « Genius Loci », ils seront trois artistes à investir chacun séparément un lieu historique différent de la ville. « À l’Usine Fromage, Pfnür a commencé par faire sauter quelques murs, moins pour remettre à jour l’architecture de la salle que pour créer une béance, un lieu à remplir… Sous des espèces différentes, les trois artistes ont en commun un langage, celui de la discontinuité, de la fracture, du dysfonctionnement, de l’instable… ». Geneviève Breerette. Le Monde, samedi 1er janvier 1994.


Dans l’ancienne usine textile, réhabilitée pour devenir l’école d’architecture de Normandie, trois séquences distinctes habitent l’espace dévolu à Rainer Pfnür : un mur de brique, un ensemble de 108 poutres posé au sol et sur un grand mur gris, le titre d’un film non réalisé du cinéaste Rainer Fassbinder : Ich bin das Glück dieser Erde, Je suis le bonheur de cette terre.
Ici, Rainer Pfnür se propose de faire voyager une pensée dans un espace de silence. « Un dispositif d’un extrême dénuement, d’une extrême précarité », souligne le critique d’art Philippe Piguet. Chacune des poutres est identifiée par un portrait polaroïd d’un étudiant de l’école d’architecture : « Le futur, peut-être le bonheur de cette terre », dira Pfnür.

À Ibiza en 1993, le peintre reconfigure son motif lequel va prendre une nouvelle allure. Le prétexte est l’origine du nom de l’île, Ybshm, lié à Bès, un dieu égyptien, protecteur de la maison et de la famille. Une citation de Theodor Heuss, le président de la République Fédérale Allemande de 1949 à 1959, introduit l’exposition-intervention : « Un état peut se détruire, un peuple survivra ».
Au milieu de la première salle voutée du Musée d’Art Contemporain de la ville s’entassent des fragments de terre cuite provenant des magasins du musée archéologique, tandis que dans la seconde salle, une bande similaire, formée de blocs de ciment, est tout aussi scrupuleusement ordonnée. Sur les murs des deux salles, des peintures. La disparité et la discontinuité des éléments mis en présence ouvrent la possibilité d’un voyage entre passé et présent.

En 1996, Rainer introduit dans son œuvre un nouveau principe formel, un alphabet composé de 25 signes qui correspondent à autant de lettres. Il le nomme Pictogramme. Désormais le peintre va écrire scrupuleusement des toiles en reproduisant dans sa propre langue de couleurs et de signes, les mots des autres, des penseurs avec lesquels il entretient une relation de proximité : Walter Benjamin, Cornelius Castoriadis ou Guy Debord.
Avec patience, il recopie scrupuleusement dans son alphabet des fragments de leurs œuvres. Une façon de s’en approcher, un hommage en quelque sorte. Sur ces dernières toiles, les signes s’agencent et s’entrelacent pour se métamorphoser en une texture lumineuse de couleurs presque monochrome comme si le tableau était dépositaire de la présence d’un monde intériorisé.

À la Fondation Sa Nostra à Ibiza et Palma, ce seront deux installations intitulées Words. À Ibiza, sur les murs, des pictogrammes renvoient à de brèves phrases à la signification ouverte ; au sol, des alignements de pierres et des sculptures en néon.  À Palma, les sculptures lumineuses redessinent les mots du poète catalan Villangomez.

Peintes en 2003 et 2004 dans l’atelier de Santa Gertrudis, les dernières peintures entrent en résonance avec le cycle des « Saisons » de Friedrich Hölderlin. Avec son alphabet tissé de signes et de couleurs, humblement, le peintre reprend les mots du poète allemand sur des papiers et des toiles. L’écrivain et poète espagnol Antonio Colinas écrira à propos des peintures dernières de Rainer Pfnür : « Nous pourrions dire qu’elles habitent la poésie. Poésie au sens où elle est cette façon extrême qu’a l’être conscient d’exister et d’habiter cette terre ».

La mort tragique de Rainer Pfnür, fauché par une voiture la nuit du 25 février 2005 à Santa Gertrudis de Fruitera, interrompt son parcours.

Expositions personnelles

1968 Galerie Atelier-Theater, Bern.
Galerie Melisa, Lausanne.
Galerie-Club, Lausanne.

1970 Via Arbarei, San Sperate, Sardinien.
Galerie Verena Müller, Bern.
Galerie Bel-Air-Art, Genf.

1971 Galerie Il Traghetto, Venedig.

1972 Galerie Tino Ghelfi, Vicenza.
Galerie Ivan Spence, Ibiza.
Galerie Studio 3-Bi, Bolzano.
Galerie Baumeister, München.

1974 Galerie Mewes, Hamburg.
Galerie im Fernsehen, München.

1975 Stadt.Galerie im Schaezler Palais, Augsburg.

1976 A-U Raum, Regensburg.
Galerie Tanit, München.
Galerie Baumeister, München.

1977 Centre culturel allemand, Paris.
Galerie Kerlikowsky, München.

1978 Galerie Tanit, München.
Galerie Pacifico, Kopenhagen.
Galerie Il Traghetto, Venedig.

1979 Galerie Tanit, München.

1982 Kunstforum der Stadt. Galerie im Lenbachhaus, München.
Galerie Tanit, München.

1983 Museo d’Art Contemporani, Ibiza.

1984 Galerie Carla Fuehr, München.

1985 Galerie Lang, Wien.

1986 Galerie Carla Fuehr, München.

1987 Sa-Nostra, Ibiza.
Galerie Nane Stern, Paris.
Centre culturel allemand, Paris.

1988 Musée des Beaux-arts, Rodez.
Galerie Nane Stern, Paris.
Galerie Carla Fuehr, München.

1989 École des Beaux-arts, Valence.
Galerie Carl Van der Voort, Ibiza.

1991 Verticale, Hauptzollamt, München.
Galerie von Braunbehrens, München.

Projects, Centre culturel allemand, Paris.
Aqua-Tinta, Verein für Original- Radierung, München.
Kunstring Sundern, Stadtgalerie, Sundern.

1992 Galerie Bamberger, Mannheim.
Galerie Klaus Braun, Stuttgart.

1993 Blue-Bird, Galerie Carl Van der Voort, Ibiza.
`ybshm, Museu d`Arte Contemporani, Ibiza.
Ich bin das Glück dieser Erde,Usine-Fromage, Rouen.

1994 Galerie von Braunbehrens, München.
Galerie Janos, Paris

1996 Cita con Sekito, Galeria Van der Voort, Ibiza.

1997 Words-II, Sa-Nostra, Palma.
Words, Sa-Nostra, Ibiza.
Galerie im Rathaus, (mit Fritz u.Gerner), München.

2002 Zeitkunstgalerie, Kitzbühel, Austria.

Participations (sélection)

1970 Galerie Melisa, Lausanne.

1972 Sieben, Künstlerhaus, Wien.
Ibizagrafik 72, Ibiza.
Olympia-Ausstellung, Kunstverein, München.

1973 IIIe Biennale Internationale de l’Estampe, Musée Galliera, Paris.
Estampe contemporaine, Bibliothèque Nationale, Paris.

1974 KKKK, Kunstverein München.

1976 Ibizagrafik 76, Ibiza.

1979 Individuelle Strukturen, Kunstverein, München.
Ibizagrafik 79, Ibiza.
Lothringerstrasse, München.

1980 Intern.Kunstmarkt, Düsseldorf (Einzelstand).
ART-Basel, Galerie Tanit.
FIAC-Paris, Galerie Tanit.
Dos Jornadas de Arte, Sta.Gertrudis, Ibiza.

1981 ART-Basel, Interventions-Raum, Galerie Tanit.
Lichtbilder, Lothringerstrasse, München.

1982 Ibizagrafik `82, Ibiza.
Kulturpreis der Stadt Ibiza.

1983 Übergãnge, Lothringerstrasse, München.

1984 FIAC-Paris, Galerie Lang.
Galerie Carla Fuehr, München.

1988 Forum-Hamburg, (Einzelstand), Galerie Nane Stern.

1990 Galerie Carla Fuehr, München.

1991 FIAC-Paris, Galerie Tanit.

1992 Ibizagrafik `92, Ibiza, (Ehrenpreis).

1992 ART-Frankfurt, Galerie von Braunbehrens.

1992 Kunstmarkt Köln, Galerie von Braunbehrens.

1996 Abstraccions, Sa Llonja, Palma.

2003 Eivissa, Sa Llonja, Palma.
Le Courrier s’expose, Abbaye de Daoulas, Daoulas

2004 Abstraccions, Can-Tixedo, Ibiza, Es.

2007 Je t’écris une toile, Sa-Nostra, Ibiza.